Les réactions n’ont pas tardé à la suite du dépôt des offres patronales, tant à la table centrale qu’à la table sectorielle. Réunies en instance conjointe dès le 19 décembre 2022, les personnes déléguées de l’Alliance des syndicats de professeures et de professeurs de cégep (ASPPC) rejetaient les offres du Comité patronal de négociation des collèges (CPNC) et recommandaient aux syndicats locaux de faire de même. Puis, le 25 janvier 2023, les organisations du front commun annonçaient leur rejet des offres du Conseil du trésor. Finalement, toujours le 25 janvier, les membres du SPCR réunis en assemblée générale se prononçaient contre les dépôts patronaux et transmettaient leur position à la direction du Collège de Rosemont. Prochaine étape : l’assemblée générale du 15 février, lors de laquelle nous discuterons de nos revendications de la table sectorielle.
Centralisation et coordination
La partie patronale affiche une forte volonté de centralisation et de coordination. Le Conseil du trésor délègue ainsi des représentants du Bureau de la négociation gouvernementale (BNG) au sein de tous les comités patronaux de négociation sectorielle. Ces personnes seront la voix du gouvernement au sein du CPNC. On peut s’interroger sur la dynamique qui règnera entre les représentants du BNG et ceux du ministère de l’Enseignement supérieur (MES) et de la Fédération des cégeps. Quel sera le poids réel des directions des collèges par rapport aux volontés du Conseil du trésor ? Quelle importance le gouvernement accordera-t-il à l’enseignement supérieur ? L’absence de la ministre Déry à la présentation des offres du Conseil du trésor et l’absence du réseau collégial dans les priorités gouvernementales soulèvent des inquiétudes. Également, on note que les dépôts de la table centrale et de la table sectorielle mentionnent explicitement qu’ils forment un tout, c’est-à-dire quelque chose comme un « dépôt unique en deux volets ». Des préoccupations similaires sont donc présentes dans les deux dépôts, notamment la volonté d’accroître la présence au travail.
Des offres patronales susceptibles d’accentuer les problèmes vécus dans le réseau collégial et dans les secteurs public et parapublic
Si le gouvernement souhaite accroître la présence au travail et « valoriser » les travailleuses et les travailleurs, il s’y prend bien mal. Tant sur les matières de table centrale que sur celles de table sectorielle, les offres nous paraissent susceptibles d’accentuer les problèmes
plutôt que de les résoudre. On n’attire pas les travailleuses et les travailleurs en leur offrant un appauvrissement ou en s’attaquant à leurs conditions de travail et à leurs avantages sociaux.
Table centrale : insultes et omissions
Sur le plan salarial, le Conseil du trésor a l’odieux de nous proposer des hausses inférieures (9,3 %) à ses propres prédictions de progression de l’IPC (17,8 %). On nous off re donc un appauvrissement. De plus, rappelons que selon l’ISQ (2022), la rémunération globale dans les secteurs public et parapublic affiche un retard important sur celle des personnes salariées québécoises (-16,1 %) et sur celles des autres personnes salariées du public (-20,4 %). Le rattrapage salarial n’est donc pas pour demain.
Le gouvernement tente encore une fois une opération de communication autour de l’offre de montant forfaitaire de la première année (1 000 $, au prorata du temps travaillé pendant l’année entre le 1er avril 2022 et le 31 mars 2023). Il inclut ainsi cette somme dans ses offres exprimées en pourcentage. Pourtant, les montants forfaitaires n’augmentent pas le salaire de manière récurrente et ne sont pas pris en compte pour le calcul de la rente de retraite. Ils ne contribuent donc en rien à régler à long terme les problèmes auxquels sont confrontés les travailleuses et les travailleurs.

Sur le plan de la retraite, les revendications patronales sont principalement guidées par le souci de maintenir la participation au travail. Certaines des mesures proposées reposent sur une base volontaire et vont dans le sens des préoccupations des syndicats. C’est le cas, par exemple, de la proposition de faire passer l’âge maximal de participation au RREGOP de 69 ans à 71 ans. D’autres propositions imposent cependant de nouvelles contraintes. Par exemple, le gouvernement souhaite introduire un nouveau critère de 57 ans pour la prise de la retraite sans pénalité après 35 ans de service. Par ailleurs, cette mesure touche si peu de gens, selon les données transmises par le CCSPP, qu’il est difficile de concevoir quels sont les objectifs poursuivis par le gouvernement.
Un point d’achoppement important trouve son origine dans les modifications qui seront graduellement apportées au RRQ (le plein effet sera atteint en 2065) [note : les modifications au RRQ sont indépendantes des négociations. Le gouvernement profite cependant de la situation pour suggérer des changements à l’équilibre entre RRQ et RREGOP]. Vos cotisations au RRQ ont déjà commencé à augmenter, afin de financer la hausse graduelle des prestations. Le gouvernement propose de réduire les prestations du RREGOP d’un montant identique à l’augmentation des prestations du RRQ, afin que la rente de retraite totale demeure inchangée. Mais cela soulève des questions. Si la bonification des prestations de retraite vise à améliorer le minimum de la retraite pour l’ensemble des Québécoises et des Québécois, pourquoi la rente totale incluant les prestations du RREGOP n’est-elle pas augmentée du même montant que la hausse des prestations du RRQ ? Et si la rente totale demeure inchangée, que la part provenant du RREGOP est réduite, diminuant ainsi considérablement les sommes retirées du régime, comment peut-on justifier le maintien du taux de cotisation ? Si votre rente n’augmente pas, que les dépenses du RREGOP diminuent, il faudrait au minimum réduire le taux de cotisation, à défaut de quoi les surplus du régime augmenteront. Une baisse des contributions au RREGOP permettait aussi de compenser la hausse des contributions au RRQ.
Notons en terminant cette rapide présentation que le dépôt du Conseil du trésor ne dit pas grand-chose de certains sujets et en omet entièrement plusieurs autres. Par exemple, sur la question des droits parentaux, le gouvernement se contente d’exposer des préoccupations techniques mais ne manifeste pas de souci d’améliorer le régime. Du côté des grossières omissions, notons que le dépôt du Conseil du trésor ne dit rien de la contribution patronale aux assurances collectives, de la situation des personnes chargées de cours à la formation continue des collèges [note : rappelons que le front commun a accepté de porter à la table centrale le dossier des conditions de travail et de rémunération à la formation continue] et de la protection des lanceurs d’alerte et de la liberté d’expression.
Un dépôt sectoriel en pleine ligne avec le dépôt de la table centrale
Le dépôt de la table sectorielle le mentionne explicitement : il constitue un tout avec le dépôt de la table centrale. Il poursuit ainsi les mêmes objectifs généraux, c’est-à-dire augmenter la présence au travail et «valoriser» les travailleuses et travailleurs. Dans ce dernier cas, rappelons-le, il ne s’agit pas tant de reconnaître notre contribution que de s’assurer, du point de vue du gouvernement et des gestionnaires, de pleinement nous exploiter. Valorisera-t-on bientôt l’employé des services publics de la même manière que l’on valorise les déchets et les rebuts ?
Le CPNC semble faire reposer sur nous la responsabilité des enjeux de main-d’œuvre. Le dépôt affirme ainsi explicitement que ces problèmes découlent notamment de notre accès trop facile aux congés et à l’invalidité. On renverse ainsi la situation : plutôt que de s’interroger sur les raisons qui expliquent le recours aux congés et à l’invalidité, par exemple la surcharge de travail, les soucis de conciliation travail — famille — vie personnelle ou l’épuisement professionnel, on tente d’introduire de nouvelles contraintes pour accroître la participation des gens au travail.
Les thèmes de l’adaptativité et de la flexibilité reviennent aussi tout au long du dépôt. La promotion de l’enseignement à distance (EAD) et de la reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) s’inscrivent dans cette volonté de toujours s’adapter et de multiplier les modes de prestation de l’enseignement. On apprend aussi que c’est notre réticence et notre incompétence technologiques qui expliquent que l’EAD ne progresse pas plus rapidement.
Mentionnons en terminant que le CPNC est essentiellement muet sur plusieurs enjeux qui préoccupent grandement les membres du SPCR, comme la charge de travail et son calcul, la précarité ou la question du financement.
Adoption des revendications de la table sectorielle
Nous amorçons maintenant la période de consultation sur les revendications de la table sectorielle. Rappelons que l’ASPPC a retenu un mode d’élaboration et d’adoption des demandes similaire à celui des dernières négociations. Le document transmis au CPNC en octobre ne contenait ainsi pas de revendications précises, mais proposait plutôt un portrait des grands enjeux auquel est confronté le réseau collégial, du point de vue des professeures et des professeurs. Afin de lancer la deuxième étape de cette démarche, les déléguées et les délégués de l’ASPPC ont adopté le 20 janvier une première version du cahier de revendications, aux fi ns de la consultation des syndicats locaux.
Nous présenterons ce document lors de l’assemblée générale du 15 février. D’ici-là, vous recevrez de notre part des explications sur les diverses demandes. Nous profiterons de cet exercice pour comparer le contenu du cahier de revendications à nos demandes locales, adoptées en avril 2022. Nous pourrons aussi revenir sur le dépôt patronal, en faisant ressortir l’ampleur du fossé qui sépare les parties en présence.
Rendez-vous le 15 février à l’assemblée générale !